Réchauffement climatique: est-il trop tard pour agir?

Par Aurélie Lucina, étudiante ESTA Belfort, 05/2020

Mots-clés:

Que sait-on vraiment du réchauffement climatique ? Comment cela a-t-il commencé ? Etions-nous au courant ? Pourquoi n’avons-nous pas agi ? Aujourd’hui, peut-on encore inverser la tendance ? Des questions d’actualité à l’air d’un dérèglement climatique plus présent que jamais.

Qu’est-ce que le réchauffement climatique ?

« Le réchauffement climatique est le constat d’une augmentation de la température terrestre moyenne sur de longues périodes » d’après l’agence parisienne du climat. On parle également de « dérèglements climatiques » car les changements dans les phénomènes climatiques sont importants : davantage de canicules, de précipitations, une augmentation de la fréquence et de la puissance des tempêtes et des ouragans, etc. Ici, les variations de température pour l’ensemble du globe sont étudiées sur des temps très longs. On parle d’étude du climat à grande échelle.

Une cause humaine ou naturelle ?

Comme le souligne Compte CO2 « le climat sur terre n’a jamais cessé d’évoluer ». En effet, il existe trois cycles climatiques principaux qui sont liés à la mécanique de notre planète. Chacun d’entre eux influe sur la captation du rayonnement solaire par la Terre. Le premier est la variation de l’excentricité de l’orbite de la Terre. Ce cycle dure environ 400 000 ans. Le deuxième est l’obliquité de notre planète ; il dure 40 000 ans. Le dernier cycle qui est le plus court puisqu’il ne dure « que » 25 000 ans, s’appelle la précession terrestre. Il décrit le changement graduel d’orientation de l’axe de rotation de la Terre. Bien qu’ayant un impact climatique, ces trois paramètres ne sont nullement liés au changement climatique tel que nous le connaissons aujourd’hui, ce dernier étant bien trop rapide. La cause est donc humaine et en lien avec l’émission de gaz à effet de serre.

Reconstruction de l’évolution des températures depuis l’an 0 © Ed Hawkins / Climate Lab Book – Licence : CC BY-SA

Depuis quand sommes-nous au courant ?

Depuis novembre 1988, l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes et ses impacts sont évalués par le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC). Comme le souligne le souligne le Ministère de la Transition écologique et solidaire, le GIEC identifie également « les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement et la gravité de ses impacts et de s’adapter aux changements attendus ». Régulièrement le GIEC fournit des rapports établissant un état des lieux des connaissances les plus avancées. Ces documents scientifiques sont au centre des négociations internationales actuelles sur le climat.
1988, c’est également l’année de la première évocation du réchauffement climatique et du phénomène de l’effet de serre en public et surtout en pointant du doigt la responsabilité de l’activité humaine. Cette année-là, le scientifique américain James E. Hansen, climatologue de la NASA, « alerte les autorités sur le fait que l’atmosphère terrestre est en train de se réchauffer, c’est le fameux effet de serre » nous rapporte l’écrivain Franck Ferrand sur Europe1. Ça y est, en ce 23 juin 1988 l’information est dite et notre part de responsabilité avouée. Toutefois la prise de conscience est encore bien loin alors que les conséquences de ce dérèglement climatique sont déjà là.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique?

Le GIEC nous met en garde : « nos choix d’aujourd’hui sont décisifs pour l’avenir des océans et de la cryosphère1 ». Il a été prouvé de façon irréfutable que ce dérèglement climatique a de graves conséquences sur les écosystèmes et les populations. On observe un réchauffement des océans ce qui les rend plus acides et moins féconds. En réponse à ces changements les écosystèmes océaniques mutent et des espèces disparaissent. Les fontes de la calotte glacière et des glaciers entraînent une élévation du niveau de la mer ainsi que l’intensification des phénomènes côtiers. Par ailleurs, un recul de la banquise de l’Arctique et la fonte du pergélisol2 sont constatés et cela avec une importance telle que les peuples autochtones ont déjà dû s’adapter. Les répercussions se font également sentir en haute montagne sur les communautés en aval. D’autre part, on remarque des records de chaleur soutient la NASA mais aussi, à l’inverse, des épisodes de froid polaire en Europe. Par ailleurs, il pourrait y avoir un impact sanitaire selon la Banque mondiale en accroissant l’incidence des maladies. L’Organisme Mondial de la Santé (OMS) soutient même que « deux milliards de personnes de plus pourraient être exposées au risque de transmission de la dengue d’ici les année 2080 ». Le réchauffement climatique est bien présent et ses conséquences aussi.
Et si nous décidions d’agir ?

Que pouvons-nous faire afin d’inverser la tendance ou, à défaut, d’en limiter les dégâts ?

D’après CITEPA des actions clés pour le secteur de l’agriculture, l’utilisation des terres et foresterie doivent être prises d’ici 2050. Parmi elles on retrouve la réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts, des actions dans les systèmes de culture, d’élevage et agroforesterie, une modification du régime alimentaire, de l’afforestation3, du reboisement couplé à la restauration des forêts dégradées, l’utilisation de bioénergie ainsi que la réduction du gaspillage alimentaire qui représente à lui seul 8 à 10% des émissions totales de gaz à effet de serre et 30% de la quantité de toute la nourriture produite. L’utilisation de tourbières4 à la place de la biomasse est également préconisée car contrairement au deuxième dispositif le premier est capable d’absorber le CO2 pendant des siècles.
Ces différentes actions limiteraient le réchauffement climatique sous la barre des +2°C.

Que faisons-nous aujourd’hui ?

Parmi les principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, on trouve l’énergie (35%), l’agriculture (14%), les transports (14%) et le bâtiment (6%). Dans chacun d’entre eux, l’agence parisienne du climat rapporte que « la révolution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est déjà en marche » au travers du développement des transports en commun, du covoiturage, des véhicules électriques, de la construction de bâtiment basse consommation et autres actions.

A l’échelle international, les discussions entre états progressent, plus particulièrement lors des COP (Conferences of the Parties) dont l’ONU est à l’origine à travers la Convention- Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Ces conférences sont l’occasion pour les représentants des pays membres (presque tous les pays du monde) d’échanger sur les enjeux climatiques et de réfléchir ensemble aux actions à mener pour inverser la tendance. Par exemple, en 1997 à l’occasion de la 3e COP le protocole de Kyoto a été signé nous rapporte Connaissance des Energies : « 37 pays développés se sont engagés à réduire leurs émissions de 5% en moyenne sur la période 2008 / 2012 par rapport aux niveaux de 1990 ». Plus récemment, la COP21, qui s’est tenue en 2015 a permis de donner naissance à l’accord de Paris où 195 Etats se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de « maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C et s’efforcer de la limiter à 1,5°C par rapport au niveau pré-industriels ». Parmi les signataires de cet accord, nous retrouvons les plus gros émetteurs de CO2 : les Etats-Unis, le Canada, la Chine et l’Australie.

Et en France ?

En France, la lutte contre le réchauffement climatique s’articule autour d’objectifs comme celui de la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 (2005) ou encore de loi comme les Lois Grenelle (2010 et 2011) visant à mettre en place un plan national d’adaptation au changement climatique ou encore la loi sur la transition énergétique (2014) pour la croissance verte rapporte l’Académie de Paris. Toutefois, la jeune Greta Thunberg a déposé une plainte auprès du comité des droits de l’enfant de l’ONU contre cinq pays (dont la France) pour « inaction climatique ». Pourquoi ?

L’Observatoire Climat-Energie qui compare les avancées concrètes de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique dénonce le non-respect par la France de ses propres objectifs. Certes, en 2018 les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 4,2% par rapport à 2017 mais elles restent supérieures de 4,5% au budget carbone qui avait été prévu cette année-là. Anne Bringault, la responsable Transition énergétique au sein du Réseau Action Climat ajoute que « La France dégage moins d’émissions de gaz à effet de serre par habitant que d’autres pays européens mais elle a tendance à se reposer sur ses acquis. Elle a une grande présence diplomatique sur le sujet mais les actes ne suivent pas forcément derrière ». Le constat est le même pour le Climate Change Performance Index (CCPI), un outil géré par un réseau d’Organisme Non Gouvernemental (ONG) de lutte contre le changement climatique selon 20minutes. Ceci explique la chute de France à la 21ème place dans le classement des pays luttant contre le réchauffement climatique. Cependant, Anne Bringault déclare qu’il est exagéré d’accuser la France d’inaction climatique car, d’une part, les progrès sont là et d’autre part « aucun pays développé n’est sur une trajectoire permettant de limiter le réchauffement à 1,5 degré ou bien en dessous de 2 degrés ». Il faut donc garder le cap et donner au budget carbone autant d’importance qu’aux autres budgets !

Et si nous pouvions faire plus ?

La pandémie mondiale de Covid-19 a engendré un ralentissement économique mondiale qui a lui-même eu un impact sur l’environnement. « La pollution et l’effet de serre ont été réduits de manière drastique dans plusieurs régions du monde. » nous rapporte Futura Sciences. Cependant ce sont des résultats indirects du virus. En effet, les causes réelles sont la restriction de l’activité économique, du trafic aérien, maritime et terrestre, ainsi que la fermeture d’industries et le confinement de la population. Végétation et animaux s’épanouissent dans nos villes. Ainsi, par la force des choses, le plus grand pays pollueur du monde : la Chine, observe une diminution du dioxyde d’azote de 30 à 50% dans plusieurs villes de taille importante. Paradoxalement, le virus aurait même épargné plus de vie qu’il n’en a prise puisque que chaque année 1,1 million de personnes en moyenne meurent à cause de la pollution contre 4 664 du Covid-19.

Cartes issues d’observations de satellites montrant la concentration de dioxyde d’azote du 14 au 25 mars, comparée à la moyenne mensuelle des concentrations en 2019.
© ESA France

En conclusion, le réchauffement climatique est une réalité dont l’activité humaine en est la cause. Bien qu’au courant depuis le siècle dernier et ayant été mis en garde par le GIEC nous avons attendu plusieurs décennies pour commencer à agir. Aujourd’hui, les conséquences sont là et iront en s’aggravant si jamais rien n’est fait pour tenir les objectifs fixés. Est-il trop tard ? Peut-être pas. La crise du coronavirus nous aura montré que nous sommes capables de mieux, de vivre autrement. Néanmoins, une fois la pandémie passée, est-ce que nous nous en souviendrons ? Est-ce que le dérèglement climatique sera d’avantage au cœur des débats ? Est-ce que nous agirons ? Continuerons-nous à vouloir mieux nous alimenter ? Peut-être poursuivre la priorisation de nos déplacements ? Ou alors, reprendrons-nous simplement nos vies ? Seul l’avenir nous le dira. Toutefois, le futur de notre planète dépend de nos gouvernements, de nos entreprises, d’elle, de lui et de vous. Alors après tout cela, que ferez-vous ?

  1. Nom donné aux régions gelées de la Terre
  2. Sol minéral brut des régions arctiques à l’horizon gelé en permanence à une certaine profondeur et formé de débris de roches dures plus ou moins broyées par l’érosion glaciaire, en mélange avec de la glace.
  3. Plantation d’arbres sur un terrain nu
  4. Endroit où l’on stocke la tourbe (sol hydromorphe à nappe phréatique permanente, à accumulation de matière organique incomplètement décomposée) extraite

Références

20 Minutes, A. Orsini, 25/09/2019, La France est-elle bien l’un des pays en tête de la lutte contre le réchauffement climatique, comme l’affirme Jean-Michel Blanquer ?, https://www.20minutes.fr/societe/2612179-20190925-france-bien-pays-tete-lutte-contre- rechauffement-climatique-comme-affirme-jean-michel-blanquer

Agence Parisienne du Climat, 2019, Le changement climatique, https://www.apc- paris.com/changement-climatique

CITEPA, C. Robert, 08/09/2019, Le GIEC publie le résumé pour décideurs de son nouveau rapport spécial « Climat et Terres », https://www.citepa.org/fr/2019_09_a8/

Climate NASA, S. Cole, NASA releases detailed global climate change projections, 08.06/2015, https://climate.nasa.gov/news/2293/nasa-releases-detailed-global-climate- change-projections/

CNEWS, E. Jardin, 13 Conséquences concrètes du réchauffement climatique, 26/01/2020, https://www.cnews.fr/monde/2020-01-26/13-consequences-concretes-du-rechauffement- climatique-715454

Compte CO2, 2019, Histoire du changement climatique, https://www.compteco2.com/article/histoire-changement-climatique/

Compte CO2, 2019, Temperature of Planet Earth, https://www.compteco2.com/article/histoire-changement-climatique/

Connaissances des Energies, CCNUCC, 27/11/2019, Climat : qu’est-ce qu’une COP ?, https://www.connaissancedesenergies.org/climat-quest-ce-quune-cop-141022

France TV Info, Franceinfo Radio France, 27/03/2020, Coronavirus : le confinement fait baisser la pollution en Europe, selon l’Agence spatiale européenne, https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-le-confinement-fait- baisser-la-pollution-en-europe-selon-l-agence-spatiale-europeenne_3887517.html

Futura Sciences, La Rédaction Futura, 2020, Quel est l’impact du coronavirus sur la planète ?, https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/sciences-impact- coronavirus-planete-13521/

Ministère de la transition écologique et solidaire, 2020, Comprendre le GIEC, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/comprendre-giec

Modern Diplomacy, M.Noponen, 28/03/2020, Covid-19 crisis and Earth Hour: An opportunity to reflect on the deteriorating health of the planet, https://moderndiplomacy.eu/2020/03/28/covid-19-crisis-and-earth-hour-an-opportunity-to- reflect-on-the-deteriorating-health-of-the-planet/

World Ressources Institure, K.L & E.N, 25/09/2019, 4 Things to Know About the IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere, https://www.wri.org/blog/2019/09/4-things- know-about-ipcc-special-report-ocean-and-cryosphere

Rejoindre la conversation

2 commentaires

  1. Pour agir ? Je dessine ! vous pouvez découvrir ma série de dessins en cours de réalisation : « Vanité », dont le rapport du GIEC est à l’origine : https://1011-art.blogspot.com/p/vanite.html et « La robe de Médée » , en ce moment exposition « Tout contre la terre » (Muséum de Genève) : https://1011-art.blogspot.com/p/la-robe-de-medee.html
    Les crayons de couleur ne sont néanmoins pas un glaive bien tranchant face aux enjeux …..

    J’aime

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :