Par Etienne Cousin, étudiant ESTA Belfort, 05/2020
Mots-clés: #voiture #hydrogène #électrique #énergie #rendement
Un engouement certain pour l’hydrogène s’est développé lors des deux dernières décennies, il apparaît comme une source et une forme d’énergie présentant de nombreux avantages. D’une simplicité enfantine à produire par électrolyse, il permettrait de stocker de l’énergie, de faire de la fusion nucléaire ou de faire avancer nos voitures dans le futur de manière propre.
Pourquoi nos voitures ne roulent-elles pas déjà toutes à l’hydrogène dans ce cas, qui ne s’est jamais posé la question ? La faute aux méchants lobbies du pétrole, aux chercheurs fainéants ou par peur irrationnelle de cette énergie révolutionnaire ?
Peut-être, ou plutôt, sûrement pas… C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Quels sont les problèmes de la mobilité ?
La mobilité est indispensable au bon fonctionnement de notre monde et s’exprime sous beaucoup de formes : la voiture pour la routine, le camion pour Amazon, l’avion pour la Guadeloupe ou encore la trottinette électrique pour avoir l’air d’un jeune cadre dynamique ; le sujet est vaste.
Dans tout ce que nous apporte la mobilité moderne, il y a évidemment des côtés qui peuvent être vus comme négatifs. Ils sont nombreux et diverses.
Quels sont ces problèmes ?
Le plus connu et principal problème est l’émission de CO2, il est largement le premier responsable du réchauffement climatique.
Les voitures émettent 85% des émissions de CO2 du transport routier total (European Parliement. (2016), CO2 emissions from cars: facts and figures (infographics)).
Mais pas seulement : en plus de cela s’ajoute, les émissions de particules fines (de monoxyde de carbone mortel pour l’Homme ou de divers hydrocarbures) et de NOX qui sont aussi nocifs pour la santé humaine.
Nous ne traiterons ici que des émissions de CO2, et plus particulièrement celles relatives aux voitures, car c’est le segment qui représente la plus grosse part du secteur des transports. (Les voitures représentent 60.1% des émissions de CO2 parmi les tous les transports, toujours selon la Source 1)
La réduction des émissions de CO2 des voitures est aujourd’hui une priorité, plusieurs solutions et alternatives se profilent pour améliorer notre futur. Parmi ces solutions on entend parler de plusieurs alternatives : voyager moins, réduire les déplacements en pratiquant le télétravail, rouler avec des véhicules plus légers et notamment utiliser des voitures à hydrogène. Tout ceci dans le but de respecter les accords de Paris, ayant pour objectifs de diminuer les émissions de CO2 d’origine humaine de moitié d’ici 2050.
L’hydrogène, la fausse bonne idée
A. Production d’hydrogène et rendement d’un véhicule
Rappelons que le moteur à hydrogène n’est pas un moteur à explosion même si l’hydrogène est un gaz explosif. Il oxide l’hydrogène, ce qui génère un courant électrique permettant d’alimenter un moteur électrique, ce moteur ne rejette localement que de l’eau.
De ce point de vue c’est superbe, mais encore faut-il produire cet hydrogène, c’est là que les choses intéressantes commencent.
La manière la plus commune de produire de l’hydrogène est sûrement l’hydrolyse de l’eau. Avec une anode et une cathode plongée dans l’eau, il ne reste qu’à appliquer un courant électrique pour séparer l’hydrogène et l’oxygène qui la composent.

Rappel de la formule pour l’hydrolyse :
2 H2O => 2 H2 + O2
Cette méthode nécessite de l’électricité pour produire du dihydrogène.
Mais cette méthode n’est à l’origine que de 10% de la production de dihydrogène dans le monde.
Les 90% restants proviennent de ce que l’on appelle le reformage catalytique, je vous passe le « rappel » du fonctionnement de cette méthode, mais sa formule de réaction est la suivante :
CH4 + 2 H2O => 3 H2 + CO2
Vous avez peut-être remarqué le premier problème qui se pose : pour produire de l’hydrogène, on émet du CO2 …
On en émet globalement moins qu’avec une voiture à essence ou diesel mais est-ce que cela en fait une solution efficace ? (Cox, J. (2014), Time To Come Clean About Hydrogen Fuel Cell Vehicles.)
B. Comparaison avec un véhicule électrique
Puisqu’une image vaut mille mots, voici un comparatif du rendement énergétique global d’une voiture à hydrogène et d’une voiture électrique, à partir d’une source d’électricité.

Le rendement énergétique d’un moteur à hydrogène, peu importe la manière de le compresser, est plus de 3 fois inférieur à celui du moteur électrique.
À cela s’ajoute un problème d’infrastructure : peu importe le type de véhicule, il faut pouvoir le recharger. La France compte moins de 30 stations à hydrogène aujourd’hui (Poncin JL. (2020), 2019 : 83 nouvelles stations hydrogène dans le monde.), tandis que n’importe quel bâtiment est relié au réseau électrique et peut être un point de recharge à adapter pour une voiture électrique.
Conclusion
En somme, malgré les quelques avantages des véhicules à hydrogène (autonomie légèrement plus grande qu’un véhicule électrique, temps de recharge plus court), ils ne rivalisent pas, pour réduire les émissions de CO2, et donc remplir les Accords de Paris de manière efficace.
Le rendement énergétique issu de la production de cette ressource est largement moins bon que pour l’électrique, cet argument à lui seul permet de comprendre pourquoi ils ne feront pas le poids.
A cela s’ajoutent d’autres choses, comme la maîtrise et le développement de ces technologies ; Il se vend en 2019 autant de voitures à hydrogène qu’on vendait de voitures électriques il y a dix ans (Kane, M. (2020), Hydrogen Fuel Cell Car Sales In 2019 Improved To 7,500 Globally.)
Le coût moins élevé ainsi que le développement très inégal des infrastructures ou les problèmes de sécurité plus élevés avec le stockage de l’hydrogène.
Les limites de la mobilité électrique
Même si les voitures électriques présentent de nombreux avantages, elles possèdent un autre problème : le recyclage de leur batterie. Toutes les batteries perdent en autonomie au fur et à mesure des cycles de charge et de décharge. Une batterie de voiture est dite hors d’usage lorsqu’elle a perdu 20% de sa capacité de départ.
S’il est aisé de produire des batteries au lithium, toujours plus performantes, les recycler l’est beaucoup moins. Nombre de recherches sont faites aujourd’hui pour développer des processus de récupérations mais ils ne sont pour l’instant pas rentables. Une « solution » consiste à utiliser les batteries trop usées comme stockage stationnaire. Elles sont utilisées pour alimenter les réseaux en cas de panne, ou à rendre du courant en journée qu’on aura récupéré la nuit quand il est moins cher. Si cette technique rallonge le cycle de vie de la batterie elle ne permet pas de recycler ses matériaux à proprement parler.
Références
Bossel, U. (2006), p.1883, Does a Hydrogen Economy Make Sense ? [vu le 08/05/2020] à https://www.industrializedcyclist.com/ulf%20bossel.pdf
Cox, J. (2014), Time To Come Clean About Hydrogen Fuel Cell Vehicles [vu le 18/04/2020] à https://cleantechnica.com/2014/06/04/hydrogen-fuel-cell-vehicles-about-not-clean/
Kane, M. (2020), Hydrogen Fuel Cell Car Sales In 2019 Improved To 7,500 Globally. [vu le 27/04/2020] à https://insideevs.com/news/397240/hydrogen-fuel-cell-sales-2019-7500-globally/
European Parliement. (2016), CO2 emissions from cars: facts and figures (infographics). [vu le 17/04/2020] à https://www.europarl.europa.eu/news/en/headlines/society/20190313STO31218/co2- emissions-from-cars-facts-and-figures-infographics
Poncin JL. (2020), 2019 : 83 nouvelles stations hydrogène dans le monde. [vu le 27/04/2020] à https://www.h2-mobile.fr/actus/2019-83-nouvelles-stations-hydrogene-dans-le-monde/
Bonjour Etienne,
Merci pour ton article très intéressant. En effet, la question des véhicules propres est d’actualité.
L’hydrogène vert est encore peu utilisé aujourd’hui car son coût est onéreux comparé à l’hydrogène classique. Cependant, demain si la demande en hydrogène augmente, les prix devraient diminuer.
Et si les véhicules à hydrogène roulent à l’hydrogène vert, ces véhicules ne seront alors ni polluants par leur fonctionnement, ni par leur mode d’approvisionnement.
Je suis complètement d’accord avec toi sur le rendement, celui d’un véhicule à hydrogène est moins bon que celui d’un véhicule électrique. Ces deux véhicules sont concurrents, certes, mais ils sont destinés à des utilisations différentes : l’électrique destiné aux circuits courts donc à dominante en aire urbaine, et les véhicules à hydrogène pour les plus longs trajets (de manière générale). Certes, les véhicules roulant à l’hydrogène ont un moins bon rendement, seulement ils sont performants et permettent avec un seul chargement de rouler plus de kilomètres qu’un véhicule électrique. Je ne comprends donc pas bien pourquoi « ils ne font pas le poids » face à l’électrique.
Océane
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Bonjour Etienne,
Tout d’abord, merci pour ton article intéressant et montrant avec justesse le problème majeur de l’hydrogène.
Cependant, dans ton article, tu parles essentiellement du rendement qui, on le sais tous, est bien inférieur pour un véhicule à hydrogène comparé à un véhicule électrique. Mais qu’en est-il des terres rares? Ces matériaux sont connus pour avoir une extraction extrêmement polluante et se trouvent en grande quantité dans les voitures électriques. Est-ce que cela pourrait compenser le rendement plus faible de l’hydrogène?
De plus, il est vrai qu’en voyant le rendement de l’hydrogène, on se dis que ce n’est pas rentable. Seulement, si l’hydrogène est produit à partir d’énergies renouvelables, est-ce vraiment grave d’avoir un rendement plus faible pour l’hydrogène par rapport à l’électrique d’un point de vue des émissions de CO2? Il est vrai que pour la même quantité d’électricité fournie, il est plus intéressant de pouvoir en utiliser 69% par rapport à 20% pour l’hydrogène. Mais les deux n’ayant pas les mêmes objectifs, ni la même durée de vie, il faudra peut être choisir le véhicule en fonction des utilisations prévues…
Enfin, tu dis toi même qu’aujourd’hui, les ventes des voitures hydrogène représentent ce que l’électrique réalisait il y a 10 ans. Cependant, la voiture électrique est également bien plus vieille que la voiture hydrogène. Si l’hydrogène réalise le même départ que l’électrique, n’est-ce pas la une indication de l’avenir de cette technologie? Elle peine aujourd’hui à se développer pour les raisons que tu as indiqué avec justesse, mais l’électrique a connu le même parcours, et plus les années vont passer, plus cette technologie sera maîtrisée et le rendement amélioré.
Merci pour tes réponses et pour ton point de vue.
Théo
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