Et si nos emails polluaient plus que l’impression papier ?

Par Pauline Heusch, étudiante ESTA Belfort, 05/2020

Mots-clés: #impactenvironnemental #emails #stockage #impression #bilancarbone

À l’heure où le réchauffement climatique, l’écologie et le développement durable sont des sujets d’actualité, et de plus en plus proéminents dans notre vie quotidienne, de nombreux changements, améliorations et technologies ont lieu afin de limiter nos empreintes carbones.

Ces évolutions nous amènent à changer nos habitudes de vie et de consommation. Ainsi, le remplacement des énergies fossiles par des solutions alternatives (automobiles électriques), le développement des énergies renouvelables (panneaux solaires, éoliennes…), ou encore l’envoi d’e- mails, dont l’un des premiers objectifs est de remplacer les impressions et ainsi limiter le papier, démontrent un intérêt de la population envers l’environnement.

Pour autant, êtes-vous réellement conscient de l’impact environnemental de nos e-mails ? De l’empreinte carbone qu’ils génèrent? Et si nos emails polluaient autant, voire plus, que l’impression papier ?

L’impact environnemental de nos emails

Le stockage de nos emails

Nos e-mails sont bel et bien une source de consommation d’énergie énorme. En effet, nos e-mails sont échangés et stockés grâce aux Data Centers. Quelle Energie (2017) nous explique que les Data Centers sont des centres de données dans lesquelles sont stockés des milliers de kilomètres de câbles, ainsi que des centaines de serveurs. Que ce soit pour les garder à bonne température ou tout simplement pour les faire fonctionner, ces Data Centers consomment énormément d’électricité tout au long de la jour et de la nuit. Envoyer un e-mail à un destinataire, c’est le faire parcourir au total 15 000 kilomètres de câbles. De plus, il ne faut pas oublier de prendre en compte la consommation d’énergie de nos ordinateurs ainsi que des serveurs de stockage présents dans nos boites de réceptions.

Data Center : le chemin d’un e-mail – CleanFox

Ainsi, lorsque l’on parle de pollution dû aux e-mails, on parle en fait de pollution générée par la transmission et le stockage de ces e-mails, sans oublier leurs impacts sur l’environnement.

10 milliards d’e-mails sont envoyés dans le monde toutes les heures. Il n’est donc pas surprenant de voir que, selon les données de CleanFox (2019), les centres de données représentent 10% de la consommation totale d’électricité de la France. Vous pouvez donc vous en doutez, les Data Centers polluent énormément : 2% des émissions de CO2 à l’échelle mondiale, soit autant que l’aviation civile ; avec 5% de la pollution numérique due aux e-mails stockés. Enfin, d’après Actu Environnement (2016) « un Data Center de 10 000 m2 consomme autant qu’une ville de 50 000 habitants ».

L’empreinte carbone de nos emails

Le bilan carbone dû à l’échange de nos e-mails s’alourdit en fonction :

  • Du nombre de destinataires
  • Du poids de l’e-mail échangé : pièces jointes ou non
  • Du temps de stockage de l’e-mail et d’une pièce jointe dans le serveur

En effet, selon l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie) :

  • 1 e-mail envoyé génère 10 grammes de CO2
  • 1 pièce jointe de 1 Mo génère 19 grammes de CO2
  • 1 pièce jointe volumineuse génère jusqu’à 50 grammes de CO2
  • 1 e-mail stocké dans la boite de messagerie pendant 1 an génère 10 grammes de CO2 supplémentaire

L’ADEME (Le Guern, Y., 2011) nous propose les résultats d’une étude menée par BIO Intelligence Service afin d’évaluer les conséquences environnementales de l’échange d’e-mails à plusieurs destinataires – voir tableau ci-dessous.

Résultats du courrier électronique pour le scenario : envoi d’un mail de 1 Mo à plusieurs personnes – ADEME – 2011

Les résultats nous montrent que multiplier le nombre de bénéficiaires par 10, équivaut à multiplier par 4 l’impact sur le changement climatique, ce qui n’est pas sans conséquence.

De plus, comme nous pouvons le constater ci-dessus, le CO2 n’est pas la seule énergie consommée : la consommation de fer est aussi à prendre en compte ainsi que celle du pétrole. En effet, les serveurs des Data Centers requièrent des métaux et des ressources importantes pour être fabriqués et entretenus.

On peut alors se demander : « Quels impacts environnementaux sont générés si 10% des employés d’une entreprise de 100 personnes envoient leurs mails avec systématiquement en copie leur responsable et la personne avec qui elle travaille ? » (Le Guern, Y.- ADEME- 2011).

Voici les résultats annuels sur l’indicateur de changement climatique lié à l’envoi d’emails d’1 Mo pour une entreprise de 100 personnes, en fonction du pourcentage d’emails avec trois destinataires :

Potentiel de changement climatique associé à l’envoi de mails de 1 Mo pour une entreprise de 100 personnes sur un an en fonction du pourcentage d’envoi à 3 destinataires – ADEME – 2011

Nous pouvons en déduire que, si nous réduisons de 10% le nombre d’e-mails envoyés à trois destinataires dans une entreprises de 100 employés, nous pouvons réduire les émissions de dioxyde de carbone d’environ 1 tonne par an.

Ainsi, et d’après l’ensemble des études réalisées, en envoyant en moyenne 30 e-mails par jour à différents destinataires pendant un an, le bilan carbone est de 300 kilogrammes de CO2, soit plusieurs milliers de kilomètres parcourus par une voiture essence. Selon l’ADEME, une entreprise de 100 salariés produit l’équivalent de 13,6 tonnes de dioxyde de carbone par an uniquement par e-mail, ce qui équivaut à 14 allers-retours Paris et New York. L’échange d’e-mails génère en moyenne 410 millions de tonnes de CO2 par an.

L’industrie du numérique, une source de pollution croissante – Céline Deluzarche, Futura Sciences

CleanFox (2019) nous met en garde : n’oublions surtout pas l’ensemble des mails non lus, soit 60%, qui ne consomment alors pour rien du CO2. Mais aussi les spams, e-mails indésirables souvent envoyés par les entreprises ou tous commerces afin de faire de la publicité, qui même non consultés produisent 0,3 grammes de CO2: «dans le monde entier, les spams génèrent autant d’énergie que 2 millions de foyers américains par an ».

On en déduit ainsi une consommation d’énergie extrêmement élevée et sans aucun doute beaucoup trop minimisée. Il suffit de voir le nombre de spams reçus, d’e- mails envoyés sans forcément grande importance pour se rendre compte du problème.

L’impact environnemental de l’impression papier

Il y a de plus en plus d’échanges d’e-mails possédants des pièces jointes afin de réduire les impressions papier. Cela peut être le cas dans les entreprises : échange de documents par e-mails au lieu de les imprimer ; mais aussi dans les écoles, où les bulletins sont de plus en plus envoyés par e-mails et non plus imprimés, puis distribués.

Or, suite à l’étude que nous venons de faire, l’envoie d’e-mail est-il réellement plus écologique ? L’empreinte carbone est-elle vraiment moindre par rapport à l’impression papier ?

BIO Intelligence Service continue ses études, et l’ADEME (Le Guern, Y., 2011) nous présente alors les impacts environnementaux suite à l’impression des pièces jointes d’un email (pour 4 pages au total) :

Résultats pour l’envoi d’un mail de 1 Mo à une personne avec impression de la pièce jointe par le destinataire – ADEME – 2011

Ces résultats nous montrent deux aspects importants : l’impression a une forte influence sur l’empreinte carbone, tout comme le type d’impression utilisé. Par conséquent, pour tous les indicateurs, à l’exception de l’épuisement potentiel des métaux, les impacts sont multipliés par 2, voire 3.

Cet article (Le Guern, Y.- ADEME- 2011) nous explique d’ailleurs que concernant l’indicateur d’épuisement potentiel des métaux, il est normal que les impacts sur l’environnement diminuent concernant les scenarios avec impression des pièces jointes. En effet, cet indicateur concerne la contribution de l’ordinateur, qui est donc plus faible lors de ce scénario : la durée de lecture des pièces jointes sur l’ordinateur est presque nulle (30 secondes au lieu de 5 minutes).

On comprend alors que l’empreinte carbone dépend en réalité du temps passé devant le document – la pièce jointe de l’email. Ouest-France (2015) nous apprend que dans certains cas, l’impression d’e- mails est plus respectueuse de l’environnement que la lecture sur ordinateur. En effet, le bilan carbone d’un email dépend du temps passé devant la pièce jointe, tandis que celui d’un document papier se calcule selon son impression.

Grâce à l’analyse de l’ADEME (Le Guern, Y., 2011) – voir graphique ci-dessous – nous pouvons alors évaluer « au bout de combien de temps de lecture à l’écran est-il préférable d’opter pour l’impression du document reçu par e-mail ».

Analyse de point d’équilibre sur le temps de lecture, potentiel de réchauffement climatique pour l’envoi d’un mail de 1 Mo à une personne. ADEME – 2011

Nous remarquons sur le graphique que :

  • Il est plus écologique de consulter un document sur l’ordinateur seulement si nous y passons moins de 3 minutes et 24 secondes.
  • En revanche, à partie de 12 minutes et 12 secondes, il est plus intéressant en termes d’avantages écologiques et environnementaux d’imprimer le document, même en couleur et recto seul.

De plus, La Créative Boutique (2017) a annoncé que les industries européennes du papier et de l’imprimerie respectent de plus en plus les normes environnementales afin de participer à la gestion durable des espaces forestiers et de réduire leur empreinte carbone. En effet, de nombreux efforts ont été faits, comme l’émergence des encres vertes / organiques, le papier issu de forêts responsables, la modernisation des outils de production pour réduire la consommation d’énergie, d’eau et de solvants polluants.

Conclusion

Chaque outil, que ce soit le numérique ou l’impression papier, a ses arguments, ses avantages, ses inconvénients ainsi que ses innovations.

N’oublions pas ce qui importe n’est pas le support lui-même, mais le contenu !

Ainsi, voici les quelques conseils de Futura Sciences (2019) afin de limiter au mieux les émissions de CO2 qui découlent de l’envoi de nos e-mails :

  • Réduisez la taille des pièces jointes, par exemple en compressant les images ou en envoyant des hyperliens plutôt qu’un document
  • Ne conservez pas vos anciennes adresses mail dans lesquelles s’entassent les e-mails non lus
  • Réduisez au maximum votre liste de destinataires
  • Triez régulièrement ses e-mails et supprimez ceux qui sont inutiles
  • Installez un logiciel anti-spam ou désabonnez-vous des newsletters inintéressantes pour vous, afin de les limiter le plus possible.
Nettoyez vos emails – CleanFox

De plus, si les Data Centers et hébergeurs sont critiqués, le numérique tente de se rattraper et essaient de faire bouger les choses. C’est le cas, par exemple, d’OVH, hébergeur qui a lancé plusieurs projets afin de réduire son impact énergétique. En effet, La Créative boutique (2017) nous informe qu’OVH a réduit sa dépense énergétique et est passé, entre 2004 et 2007, à un PUE (Power Usage Effectiveness) de 1,1 au lieu de 2 (à noter qu’un PUE de 2 signifie que le Data Center va consommer 100 watts pour refroidir un serveur qui consomme 100 watts). De plus, OVH a décidé en 2010 de devenir producteur d’énergie verte et de s’investir dans l’éolien.

L’utilisation de nouvelles technologies, fortement énergivore, n’aurait-elle pas un impact environnemental caché plus important que celle connue à ce jour ?

Le reproche fait par les jeunes d’aujourd’hui aux anciennes générations est-il justifié, alors que cette génération est l’utilisateur majeur de ces nouvelles technologies ?

Références

Barbier, A., (2016). L’efficacité énergétique dans les data centers. [online]. Actu Environnement. [vu le 21 mars 2020]. Disponible sur : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-27968- data-center-atee.pdf

CleanFox (©2019). Pollution des mails et émissions de CO2. [online]. [vue le 19 mars 2020]. Disponible sur : https://cleanfox.io/blog/impact-carbone/pollution-des-mails-et-emissions-de-co2/

ConsoGlobe (©2017). Un email, une recherche internet, c’est combien de CO2 ? [online]. [vu le 19 mars 2020]. Disponible sur : https://www.consoglobe.com/un-email-une-recherche-internet-cest- combien-de-co2-cg/2

Futura Sciences (©2019). Quelle est l’empreinte carbone d’un email ? [online]. [vu le 19 mars 2020]. Disponible sur : https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eco-consommation- empreinte-carbone-e-mail-10840/

Guivarch-tonnard, A., (2015). E-mail ou papier, qui est (vraiment) le plus écolo ? Ouest-France. p.9/35 [online]. [vu le 19 mars 2020]. Disponible sur :
https://www.ouest- france.fr/leditiondusoir/data/626/reader/reader.html#!preferred/1/package/626/pub/627/page/9

La Créative Boutique (©2017). Email vs courrier papier : quel est le choix développement durable ? [online]. [vu le 19 mars 2020]. Disponible sur : https://lacreativeboutique.com/email-vs-courrier-papier-quel-est-le-choix-developpement-durable/

Le Guern, Y., (2011). Analyse comparée des impacts environnementaux de la communication par voie électronique. [online]. BIO Intelligence service. ADEME. [vu le 21 mars 2020]. Disponible sur : https://presse.ademe.fr/files/acv_ntic_synthese_resultats.pdf

Quelle Énergie (©2017). L’impact environnemental d’un mail. [online]. [vu le 19 mars 2020]. Disponible sur : https://www.quelleenergie.fr/magazine/actu-environnement/impact- environnemental-mail-57514/

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7 commentaires

  1. Article très intéressant, instructif, fluide, facile à comprendre avec des données précises. Je ne m’attendais pas à ce que nos e-mails polluaient autant. En effet, je trouve que dans la société actuelle nous ne sommes pas sensibilisé à l’impact carbone cachée que peux générer tous les gestes habituels de notre vie quotidienne comme le simple faite d’envoyer un e-mail. On nous à enseigner d’éviter le papier pour l’écologie et le paradoxe à bien été mis en valeur dans cet article. De plus, il nous apprend à chacun comment réduire notre impact carbone grâce à des petits gestes simples à adopter dans nos boîtes mails.

    Isabelle WOLFER

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Isabelle,
      Merci beaucoup pour ton commentaire! Il est vrai que les chiffres sont assez impressionnants, d’où ma volonté d’avertir et de sensibiliser les personnes sur ce sujet-là. Nous avons toujours l’impression que les petits gestes du quotidien ne font pas effet sur l’environnement, alors que bien au contraire! Il ne faut rien minimiser, même nos emails, et adopter des gestes simples qui aideront, pour sur, l’environnement.

      Pauline HEUSCH

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  2. Quand j’ai vu le titre de cet article il me donnait l’impression d’un journal qui cherche à faire de l’audience. En commençant à lire et surtout à regarder en détail comment est-ce qu’on pouvait arriver à des résultats aussi importants pour de simple mails, je me disais que ça ne tenait pas debout, c’était trop gros pour que ce soit vrai.

    Et pourtant, en regardant combien de mails j’avais dans ma boîte mail ou en vérifiant le détail du parcours d’un e-mail je me suis rendu compte que c’était, malheureusement bien réaliste…

    Je ne pense pas qu’il soit possible d’utiliser davantage la poste pour faire parvenir nos messages plutôt que des e-mails, surtout dans le monde professionnel car la perte de temps serait beaucoup trop conséquente. Néanmoins je suis maintenant persuadé qu’il est utile de se désabonner et de supprimer tout ces spams qui traînent dans nos boîtes.

    Etienne Cousin

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Etienne,
      Merci beaucoup pour ton commentaire! Il est évident que les emails sont, aujourd’hui, des outils indispensables de la communication : je pense que plus personne ne pourrait s’en passer et revenir au courrier! Mais il est alors encore plus important d’en connaître les limites environnementales afin d’essayer de les limiter au maximum. Passer 10 minutes par jour sur la suppression de nos emails, c’est déjà diminuer ses empreintes carbones! N’oublions pas que ces petits gestes, accumulés, représenteront un grand geste pour l’environnement.

      Pauline HEUSCH

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  3. Je trouve ton article très intéressant Pauline ! Je savais que les e-mails avaient un impact sur la pollution en général. Pourtant je n’étais jamais allé plus loin pour me documenter sur ce sujet. Du coup le sujet de ton article m’a tout de suite interpelé. Il est vrai que les chiffres cités ci-dessus sont impressionnants. J’ai appris beaucoup de choses, notamment, l’impact à avoir plusieurs destinataires lors de l’envoi d’un e-mail.

    Je pense qu’à l’avenir je ferais beaucoup plus attention dans la gestion de mes e-mails, et je vais sensibiliser les personnes autour de moi sur cette cause, car souvent quand on parle de réchauffement climatique, pollution, … on parle de problèmes à grande échelle, ou trouver une alternative est souvent compliquer. Aujourd’hui avec ton article, nous montre que que nous pouvons contribuer à l’impact du réchauffement climatique simplement et quotidiennement.

    Bravo pour ton article et ta vidéo très ludique.

    Mathilde Ricklin

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  4. Je ne vois pas en quoi un mail pourrait être nocif ,alors qu’ils y a bien d’autres énergies qu’ils faut abandonné .

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