Par Joris Franquin & Térence Lemosy, étudiants ESTA Belfort, 05/2020
Mots-clés: #Netflix #Impact carbone du digital #VOD #plateformes de streaming #The Shift Project

Source: André-Philippe Côté, (2019). [Le Droit] [digital image]
Netflix a atteint cette année les 167 millions d’abonnés, et bon nombre de personnes ont déjà vu ou entendu parler d’une série proposée par la plateforme. Netflix a su créer chez les générations Y et Z, un véritable besoin d’appartenance à un groupe. Il est maintenant difficile pour ces générations par exemple de participer à une conversation concernant le dernier épisode de Stranger Things si nous n’avons même pas vu un seul épisode de cette série.
La hausse des souscriptions, provoquée en partie par le phénomène expliqué ci-dessus, et le martèlement publicitaire du groupe, est susceptible de devenir une réelle problématique environnementale. En effet, les films et séries doivent être stockés au sein d’énormes datacenters, en l’occurrence gérés par le géant Amazon via sa filiale AWS.

Selon The Shift Project, le numérique est responsable aujourd’hui de 4% des émissions de CO2 mondiales, avec une croissance annuelle de 9%. Ces émissions sont susceptibles de doubler d’ici 2025. 80% de ces émissions sont générées par flux vidéos. Les plateforme de vidéo à la demande (VoD), dont Netflix fait partie, sont responsables de 34% des émissions de CO2, juste devant la pornographie (The Shift Project, 2019).

Nous avons décidé de nous intéresser dans cette étude à l’impact environnemental des différentes séries et films (blockbusters) distribués par la plateforme Netflix, ainsi que l’évolution possible de celui-ci, notamment avec la quête éternelle du monde de la vidéo d’une meilleure définition d’image (4K très prochainement, et 8K sur le plus long terme).
Nous posons donc la problématique suivante : Quelle est l’empreinte carbone mondiale de Netflix en 2019 ? Comment va-t-elle évoluer avec l’émergence des nouvelles technologies vidéo ?
Méthodologie
Calcul de l’impact des Top 10 séries & films 2019
Nous proposons d’étudier premièrement l’impact carbone des principales séries et films regardés dans le monde en 2019. Le New York Times a relayé à l’automne 2019 le top 10 des séries et des films visionnés sur la plateforme, complétés de leurs audiences respectives, dans lesquelles les téléspectateurs qui ont regardé au moins 70% d’un film ou d’un épisode uniquement ont été comptabilisés.
Nous avons donc utilisé le raisonnement suivant :
Impact carbone de la série en année N = audience en année N x durée en heures de la série x impact carbone moyen d’1 heure de streaming
Concernant l’impact carbone du streaming, nous nous sommes appuyé sur une étude américaine publiée sur IOP Science en 2014 qui estime l’impact carbone d’une heure de streaming à 42 grammes de CO2 . Nous n’avons malheureusement pas trouvé d’étude plus récente.
Calcul de l’empreinte carbone de Netflix en 2019:
Au-delà de l’impact carbone des principales séries proposées par Netflix, il nous semblait indispensable d’estimer les émissions de CO2 liées à la consommations d’électricité assurant le service permanent de la plateforme.
Pour pouvoir au mieux estimer ce taux, nous avons décidé de mettre en place la démarche suivante :
Empreinte carbone de Netflix = (Consommation direct en Kw/h + consommation indirect en Kw/h)* Facteur d’émissions à la génération électrique
Les données liées à la consommation directe (énergie utilisée pour les bâtiments administratifs de Netflix) ainsi que la consommation indirecte (énergie utilisée par les serveurs, structure gérées par d’autres acteurs de Netflix) de la plateforme de streaming proviennent de son rapport RSE 2019. Afin de réaliser une estimation la plus juste possible de l’impact de Netflix, nous avons utilisé le facteur d’émissions à la génération électrique (moyenne mondiale) provenant d’un rapport de l’IEA datant de 2019 (International Energy Agency) et estimant ce facteur à 478gC02/Kwh.
Résultats de l’étude
La principale raison qui nous a poussé à produire cet article est la publication par The Shift Project en 2019 des résultats d’une étude sur l’impact du streaming en terme d’émissions de CO2 mais également en terme de consommation électrique. Une partie de ces résultats a été présenté en introduction et elle présente des niveaux d’émissions qui sont pour le moins inquiétant.
Cependant, après avoir entamé nos recherches documentaires, nous avons vu que ce rapport a été remis en question par de nombreux organismes, on peut notamment citer CarbonBrief qui en 2019, a démenti les résultats de The Shift Project dans son article. Ils reprochent à l’association française d’avoir surestimé le débit binaire des vidéo, c’est à dire la quantité de données transférées chaque seconde mais également d’avoir fait une erreur d’interprétation entre mégabits et mégaoctets lors d’analyse de sources anglaises, l’anglicisme de ces deux mots étant des proches (megabit/megabyte).
Parti de ces observations, il nous semblait évident de constituer une nouvelle analyse afin de nous faire notre propre avis et de déceler le vrai du faux.
L’impact carbone des principaux films et séries
Comme présenté dans la partie méthodologie, nous nous sommes proposés d’analyser dans un premier temps l’impact d’un film où d’une série en terme d’émissions de dioxyde de carbone pour une audience mondiale. Les résultats de cette analyse sont présentés ci-dessous.
Calcul de l’impact des Top 10 séries & films 2019


L’impact carbone de Netflix
Afin de proposer un taux de service maximum, la plateforme de streaming a besoin de deux principaux éléments clés : Des bureaux administratifs fonctionnels et des serveurs permettant le stockage et la diffusion de séries. Ces deux éléments demandent une consommation électrique soutenue. Netflix différencie d’ailleurs distinctement les consommations de ces deux facteurs clés. D’un côté la consommation direct qui représente l’électricité utilisée par ses bureaux et de l’autre les consommations indirects qui représentent l’électricité nourrissant les serveurs. Netflix qualifie ces derniers de consommation indirect car elle loue les serveurs à des entreprises comme Amazon Web Services ou encore Google Cloud, ce n’est donc pas le fournisseur de vidéo qui consomme directement l’électricité. En revanche, il est plus que primordiale de prendre en compte ce chiffre pour définir l’empreinte carbone de Netflix.
Cette année, la firme au logo rouge a publié son premier rapport RSE. Dans ce rapport, elle expose ses consommations énergétiques directes et indirectes sur l’année 2019 qui représentent 94 000 et 357 000 MWh. Grâce à la méthodologie présentée précédemment, nous pouvons estimer l’empreinte carbone de Netflix à 215 578 (tonnes de C02) sur l’année 2019.
Interprétation des résultats
The Shift Project: info ou intox?
Revenons aux résultats publiés par The Shift Project, ce dernier annonce que la VOD est responsable de l’émission de 102 millions de tonnes de CO2 en 2018. La même année, Netflix représentait environ 70% (Parrots Analytics, 2019) des parts de marché de la VOD dans le monde. À en croire les résultats de l’association, l’empreinte carbone de Netflix aurait donc été de 71,4 millions de tonnes de CO2.
Par nos résultats présentés précédemment, nous pouvons nous aussi émettre une retenu quant aux conclusions de l’étude menée par The Shift Project. En effet, nos résultats montrent une consommation 300 fois moins importante que ceux présentés par l’organisme français.
Même si cette consommation est grandement moins alarmante que celle mise en lumière par The Shift Project, elle n’en est pas moins importante…
Que représentent ces 215 578 tonnes de CO2?
Ils nous semblait important de faire des comparaisons afin que chacun puisse s’imaginer ce que représente une telle consommation…
Prenons d’abord l’exemple d’une série. Stranger Things, saison 3 suivie par 64 000 000 de personnes et qui représente un total de 7 heures et 24 minutes de visionnage. Au vue du succès et de l’audience générée, on peut estimer l’empreinte carbone de la série aux environs de 20 milles tonnes de CO2 ce qui représente le trajet d’une voiture diesel consommant 6l/100km ayant effectuée 2978 fois le tour de la terre soit un trajet de 119 347 200 km.
A la vue de cette comparaison nous comprenons vite que la consommation globale de Netflix qui est de 215 578 tonnes de C02 peut impressionner. En effet, si l’on reste sur le même types d’exemple l’empreinte carbone représente le trajet d’une voiture diesel ayant effectuée 32276 fois le tour de la terre soit un trajet de 1 293 468 000 km. Même si cette comparaison peut paraître impressionnante, elle reste cependant moins alarmante que l’annonce faite par The Shift Project qui annonçait une empreinte carbone du flux vidéo équivalente à 20% des émissions de la France (300MtC02). Si nous utilisons le même référentiel avec nos résultats, nous pouvons estimer que l’empreinte carbone de Netflix représente, en réalité, environ 0,05% des émissions françaises au lieu des 4,7% mis en lumière par l’organisme français.
Ces résultats présentant des données assez élevés en matières d’émissions de gaz à effet de serre nous amènent à penser à la question suivante, est-ce que Netflix et ses partenaires (fournisseurs des serveurs) mettent en place des actions réduisant leurs consommations électriques et leurs empreintes carbones ?
L’évolution de la consommation électrique de Netflix
Sans surprise, la consommation énergétique de Netflix ne fait qu’augmenter. Pour se donner une idée, la plateforme de streaming à plus que doublée sa consommation électrique par rapport à 2016 (Netflix, 2019). Cette augmentation est due au nombre d’abonnements à la plateforme qui est exponentiel. Si on observe bien, la majeur partie de l’amplification globale de la consommation provient de l’augmentation des consommations indirectes (datacenters).
Cependant, Netflix tente de réduire au maximum son impact carbone. Pour cela, elle travaille avec ses fournisseurs (Amazon Web Services et Google Cloud) sur des plans de modernisation de leurs infrastructures. En 2015, grâce à cette collaboration, 70% des datacenters se sont dotés de mémoires flash moins gourmandes en énergie. Par cette action, les serveurs Netflix sont passés d’une consommation de 0,6 watts par mégabit seconde à .006 watts par Mbps. Soit une amélioration d’un facteur 100.
Outre l’évolution de ses technologies, et ne pouvant réellement faire face à l’augmentation de ses abonnées et par extension sa consommation énergétique, la marque au sept lettres rouges tente de réduire l’impact carbone de sa production d’énergie. Pour cela, l’entreprise a rejoint (Netflix, 2017), en avril 2017, le programme Green Power Partnership de l’EPA, un programme volontaire où les entreprises s’engagent à utiliser l’énergie verte pour une partie ou la totalité de leur consommation annuelle d’électricité.
Mais toutes ces actions seront-elles suffisantes face à l’évolution des technologies ?
Ouverture sur l’impact de la 4K/8K
Les vidéos que nous regardons actuellement sur les plateformes de VOD, sont dans 99% des cas proposées en HD (720p)/Full HD (1080p). L’humain s’étant lancé dans une quête perpétuelle et insatiable de qualité vidéo (les qualités et performances des téléviseurs sont améliorées chaque année), nous allons donc passer dans les prochaines années à la globalisation de la 4K (2 160p, aussi appelé Ultra HD), puis dans un futur pas si lointain que ça, à une diffusion probable en 8K (4320p).

Source: LG, (2018)
Pour ne parler que de consommation électrique, les téléviseurs 4K consommeraient en moyenne 30% plus que les téléviseurs HD (NRDC, 2019). Ajouter à cela une augmentation des métaux rares nécessaires à la fabrication de ces nouveaux téléviseurs (notez que les téléviseurs actuels consomment la moitié des extractions mondiales d’indium (Usbek & Rica, 2019)).
Concernant le streaming, Netflix occupe aujourd’hui 30% de la bande passante avec la diffusion de contenu HD (et 4K pour les utilisateurs possédant la fibre). Imaginons maintenant un monde avec un nombre bien plus important d’abonnés Netflix, et une globalisation de la 8K… et nos anciens écrans que nous enverrons vers des pays poubelles !
Références
Efoui-Hess,M.(2019),Climat:l’insoutenableusagedelavidéoenligne,T heShiftProject[online]. Available from: https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2019/07/2019-01.pdf
Horowitz, N. (2015), Shifting to Ultra High-Def TVs Could Add $1 Billion to Viewers’ Annual Energy Bills Unless Efficiency Improves, NRDC [online]. Available from: https://www.nrdc.org/experts/noah-horowitz/shifting-ultra-high-def-tvs-could-add-1-billion-viewers-an nual-energy-bills
IEA, (2019), Tracking Power [online]. Available from: https://www.iea.org/reports/tracking-power-2019
Koblin,J, (Oct.17,2019), Netflix’sTop10OriginalMoviesandTVShows,AccordingtoNetflix, The New York Times [online]. Available from: https://www.nytimes.com/2019/10/17/business/media/netflix-top-ten-movies-tv-shows.html
Kamiya,G.(2020), Factcheck: WhatisthecarbonfootprintofstreamingvideoonNetflix?,C arbon Brief [online]. Available from: https://www.carbonbrief.org/factcheck-what-is-the-carbon-footprint-of-streaming-video-on-netflix
Mahé,E.(2019),Téléviseurs8K:renonçonsàcedésastreécologique,U sbek&Rica[online].Available from: https://usbeketrica.com/article/8-huit-k-ilotonnes-d-inconscience-ecologique
Netflix, (2017), Renewable Energy at Netflix: An Update [online]. Available from: https://media.netflix.com/en/company-blog/renewable-energy-at-netflix-an-update
Netflix, (2019), Sustainability Accounting Standards Board (SASB) Report [online]. Available from: https://s22.q4cdn.com/959853165/files/doc_downloads/2020/02/0220_Netflix_EnvironmentalSocial GovernanceReport_FINAL.pdf
Parrots Analytics, (2019), Parrot Analytics’ Global TV Demand Report Finds Netflix Captured 62.6% Of Worldwide Demand For Digital Original Series In Q2 2019, M arkets Insider [online]. Available from: https://markets.businessinsider.com/news/stocks/parrot-analytics-global-tv-demand-report-finds-net flix-captured-62-6-of-worldwide-demand-for-digital-original-series-in-q2-2019-1028583867
Shehabi, A. Walker, B. and Masanet, E. (2014), The energy and greenhouse-gas implications of internet video streaming in the United States, IOP Science [online]. Available from: https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/9/5/054007
Bonjour,
Je trouve votre article très intéressant. En effet, nous sommes nombreux à utiliser Netflix mais combien d’entre nous ont conscience de l’impact carbone que cela entraîne ? Toutefois j’aurai trouvé pertinent d’également aborder les « types » de visionnage : sur un téléviseur, sur un ordinateur, sur un téléphone… La taille des écrans étant différente, cela entraîne-t-il une modification de l’impact environnemental ? Et entre le visionnage en direct et celui d’épisodes téléchargés, y a-t-il une différence ? Si oui, dans quelle mesure ?
Je vous remercie pour cet article, j’en ressors plus instruite.
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Grande adepte de Netflix, votre article a retenu mon attention.
Il est clair que le nombre de souscriptions est énorme en 8 ans il a été multiplié par environ 3.5, je m’en suis étonnée ! Mais qu’en est-il des autres plateformes de streaming ? Parce que Netflix n’est pas la seule..Il serait donc intéressant de comparer les chiffres à toutes les plateformes de streaming qui existent et dont il n’est pas forcément nécessaire d’être abonné. Le taux d’émission de C02 qu’on trouverait ne serait-il pas autant conséquent voir supérieur ? Netflix est-il le seul danger ?
Le choix des mots clefs est pertinent, on comprend tout de suite à quoi s’attendre sur le contenu. Et bon choix du titre car il capte notre attention tout de suite, c’est une tournure d’une remise en question indirecte. Lorsqu’on le lit, personnellement je me suis posée la question « est-ce que cet article va me faire culpabiliser ? Est-ce que je vais arrêter d’être sur Netflix ? » Votre utilisation de cas concret de la vie à titre d’exemple pour nous faire prendre conscience de l’impact carbone de Netlix au travers de la série Stranger Things est vraiment incroyable. Je m’explique, il est vrai que lorsque qu’on voit le nombre, on se dit « bon d’accord c’est gros mais ça reste un nombre, c’est quoi l’équivalent ? ». Hors là, vous avez anticipé la question et par la représentation visuelle, vous permettez au gens de réfléchir sur le problème de base, good job ! A la fin de la lecture de votre article, je prends mieux conscience de l’impact de mes visionnages sur cette plateforme. Ainsi je pense que votre target est atteinte, si ça fonctionne pour 1 , ça fonctionnera pour d’autres. La manière de rédaction employée pour répondre à la question que vous avez soulevée est très bien faite car clairement, ça se lit tout seul et ça a du sens tout de suite. Toutefois, je ne suis pas totalement convaincue que Netflix est la seule entreprise responsable de ce gros impact en terme d’émissions de CO2 dans le VoD. Il serait intéressant donc d’avoir une étude équivalente concernant les autres plateformes.
Et au contraire, si vraiment Netflix est la seule entreprise responsable, quelle alternative proposez vous ? Un retour vers les pratiques nos ancêtres dans un monde sans digital? Parce que le notre évolue vite grâce aux progrès technologiques.
Enfin c’est juste pour vous aider dans la correction de l’orthographe, j’ai relevé des passages 🙂 :
** »Les plateformeS » il manque un « s » à la fin
** [Au-delà…de la plateforme] consommation sans S
** [les données liées..à 478gCO2/Kwh] structures avec S
** Resultats de l’étude : Une partie de ces résultats a été présentéE (il manque le « e » à la fin) + inquiétantS avec S
** le débit binaire des vidéoS (« s » à la fin)
**D’un côté la consommation directE (le « e » de la fin) + l’électricité utilisée par ses bureaux et de l’autre les consommations indirectEs (le « e » manquant)
**Netflix qualifie ces derniers de consommation indirectE (le « e » manquant)
** une retenuE (le « e » manquant)
**En effet, si l’on reste sur le même typE d’exemple (pas de S à type)
**Ces résultats présentant des données assez élevéEs (le « e » manquant)
**la plateforme de streaming a (pas d’accent au « a ») plus que doublé (pas de « ée » ) sa consommation
** la marque auX sept lettres rouges (le « x » manquant)
Merci pour cette réflexion et cet analyse, j’en sors plus attentive à mon utilisation des plateformes de streaming en général !
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